Institutions et Vie Politique au Tchad

Publié le par ITRALU

Institutions et Vie Politique

La Constitution a été adoptée par référendum du 31 mars 1996. Elle instaure officiellement un régime semi-présidentiel. Le Président de la République est élu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Il est le chef de l’Etat. Il nomme le Premier Ministre et met fin aux fonctions de celui-ci sur présentation par ce dernier de la démission du Gouvernement. Sur proposition du Premier Ministre, il nomme les membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. Plus important dans ses rapports avec le Gouvernement, il préside le Conseil des ministres.
Dans ses rapports avec le Parlement, le Chef de l’Etat peut dissoudre l’Assemblée nationale en cas de ?crises persistantes? Entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, ainsi que le stipule l’art. 83 de la constitution. L’Assemblée nationale peut également être dissoute par le Président de la République si elle a déposé deux motions de censure contre le Gouvernement en l’espace d’un an. Le Premier ministre nommé par le Président doit présenter son programme de gouvernement à l'Assemblée nationale (125 membres portés à 155 en août 2000) pour être investi définitivement. Il est responsable devant le Parlement.
Le parlement tchadien comprend l'Assemblée nationale et le Sénat qui exercent le pouvoir législatif. Les députés sont élus pour quatre ans au suffrage universel direct alors que les sénateurs, représentants des collectivités décentralisées, sont élus pour six ans au suffrage indirect par un collège de conseillers locaux. Notons qu’en cas de vacance de la Présidence de la République, c’est le président du Sénat qui assure l’intérim bien qu’il soit élu au suffrage indirect. Le Sénat n’a pas été mis en place et l'Assemblée nationale étant acquise à l’exécutif, la distinction entre ces deux pouvoirs est actuellement plutôt formelle.

Système judiciaire

La Constitution consacre l’indépendance du pouvoir judiciaire et institue un seul ordre de juridiction dont la Cour Suprême est la plus haute instance. La Cour Suprême (qui connaît du contentieux des élections locales), les Cours d'appel les tribunaux et les Justices de paix exercent ce pouvoir judiciaire. Il existe un conseil supérieur de la magistrature, qui est cependant présidé par le Président de la République, avec en sus, le Ministre de la justice comme vice-président.
Par ailleurs, le droit tchadien reconnaît les règles coutumières et traditionnelles pour autant qu’elles ne soient pas contraires à l’ordre public, qu’elles s’appliquent dans les communautés où elles sont reconnues et qu’elles le soient de manière consentie. Notons qu’en matière matrimoniale ou de succession, les Tchadiens recourent presque exclusivement au droit traditionnel.
En matière de régulation des activités des pouvoirs publics et du fonctionnement des institutions, le Tchad dispose d’un Conseil constitutionnel prévu par le Titre VII de la Constitution du 31 mars 1996. Créé par la loi organique n° 19 du 2 novembre 1998, le Conseil Constitutionnel est composé de neuf membres, dont trois magistrats et six juristes de haut niveau nommés tous de manière égale par le Président de la République, le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée nationale ; ils sont inamovibles, élus pour un mandat unique de neuf ans à égalité par le Président de la République et les deux chambres du Parlement. La saisine du conseil est ouverte aux trois responsables de ces institutions, mais aussi par voie d’exception, aux simples citoyens. Il connaît de l’ensemble du contentieux électoral à l’exception de celui des élections locales, juge de la constitutionnalité des lois et règle les conflits d’attributions entre les institutions de l’Etat. Le Conseil constitutionnel, qui est tout nouveau, est critiqué pour son manque d’indépendance vis-à-vis du pouvoir notamment à l’occasion des élections.
Il existe également une Haute Cour de Justice compétente pour juger les personnalités de l’Etat et un Haut Conseil de la Communication dont l’autonomie reste à conquérir. La Haute Cour de Justice est compétente pour juger le Président de la République et les membres du Gouvernement ainsi que leurs complices en cas de haute trahison.


Décentralisation, déconcentration

Dans le paysage politique tchadien actuel, le thème de la décentralisation reste l’un des défis principaux. Comme dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Ghana, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Sénégal, une grande majorité de la classe politique ainsi qu’une importante partie de la population du Tchad souhaitent s’écarter de l’Etat centralisé et ainsi atteindre à des niveaux différents une plus grande participation démocratique. Les Tchadiennes et les Tchadiens espèrent contribuer de cette façon à une paix intérieure et promouvoir le développement local. La constitution adoptée le 31 mars 1996 par référendum prévoit conformément dans son Titre 11 la création « Des collectivités territoriales décentralisées » dotées de la personnalité morale. Elles bénéficient d’une autonomie administrative, financière, patrimoniale, économique, culturelle et sociale.
D’après l’article 205 de la constitution, la liberté d’administration est assurée par les assemblées locales élues. Dès lors, il s’agit de mettre en application ces dispositions de la loi fondamentale. Parallèlement aux deux lois déjà promulguées, il s’agit aussi d’élaborer des lois, des décrets permettant de déplacer plus vers la base des compétences et des ressources, de mettre en place ou de renouveler des administrations locales, départementales et régionales, d’organiser et d’exécuter la formation de ces agents de la fonction publique et d’enquêter sur les attentes de la population quant au processus de décentralisation. Le cabinet du Premier ministre en étroite collaboration avec les ministères concernés, spécialement le Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation, essaie de faire avancer le processus de décentralisation prudemment et pas à pas. Elle est soutenue par le comité technique de rédaction du cadre législatif et réglementaire de la décentralisation.
Les conseillers concernés au cabinet du Premier ministre font partie d’un réseau international de décentralisation pour s’inspirer des expériences d’autres pays et pour mettre à leur disposition les matériaux de décentralisation au Tchad. Finalement on peut aider avec cet échange international les acteurs et les bénéficiaires de la décentralisation, autrement dit, les populations du Tchad.
Schématiquement, au Tchad la centralisation du pouvoir signifie qu’un seul centre de décision installé généralement dans la capitale régente le pays. Ce centre renferme en son sein les fonctions constitutives du pouvoir d’État. Sous l’autorité du Chef de l’État en tant que garant de l’effectivité du pouvoir d’État, les différentes fonctions sont exercées de manière à assurer l’unité du pouvoir d’État. La réalisation pratique de cette unité du pouvoir d’Etat est une déconcentration politique, administrative et territoriale.
Dans les techniques d’organisation de l’État, la décentralisation au Tchad relève en principes d’un aménagement du pouvoir qui fait participer la population à l’exercice de ce pouvoir.
La centralisation corrigée par la déconcentration a pour but de renforcer l’unité politique de l’État. La décentralisation s’intéresse beaucoup plus à la population et relève de la logique démocratique. Le statut des collectivités territoriales décentralisées et leur régime électoral est aussi réglé de la même manière par une loi comme le dispose le titre XI de la Constitution du 31 mars 1996. De façon énumérative, les collectivités locales sont les communautés rurales, les communes, les départements et les régions.
Ces collectivités sont dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Les conseillers locaux sont élus pour un mandat de six ans au suffrage universel direct. L’Etat est présent à travers le mécanisme de déconcentration qui se traduit par la nomination de chefs des différentes unités administratives qui correspondent aux collectivités. La mise en œuvre des principes de décentralisation énoncés se fait cependant attendre et pour le moment, seules les autorités déconcentrées sont en place. Les maires et les conseillers municipaux sont également nommés. En août 2000, le parlement tchadien a adopté dans le cadre de la décentralisation un découpage administratif qui crée 118 sous-préfectures.
Sources : Centre d’études et de formation pour le développement (CEFOD), Textes de loi sur la décentralisation au Tchad.

Parties politiques

Le Tchad compte plus de soixante-dix partis politiques depuis que le multipartisme a été autorisé par ordonnance en 1992 et confirmé par la Constitution de 1996. Certaines des formations politiques sont issues de mouvements de guérillas qui se transforment en partis à la suite d’accord de paix ou de transformation des rapports de forces militaires. Les principaux sont : le Mouvement patriotique du salut (MPS) du Président Idriss Déby ; l’Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR) de Saleh Kebzabo, opposant coopté dans le gouvernement ; l’Union pour le Renouveau et la Démocratie (URD), du Général Kamougué, ancien chef de guerre devenu opposant modéré, et président de l'Assemblée nationale ; l’Union Nationale (UN) d’Abdoulaye Lamana ; le Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès (RDP) de Lol Mahamat Choua ; VIVA RNDP de Kassiré Delwa Coumakoye, ancien Premier ministre de transition ; l’Union pour la Démocratie et la République (UDR) de Jean Alingué ; le Front d’Action pour le Renouveau (FAR) de Ngarlejy Yorongar.

Syndicats

La Constitution reconnaît la liberté syndicale et le droit de grève (art. 28 et 29). Il existe de nombreux syndicats sectoriels dont le Syndicat des enseignants du Tchad (SET) et plusieurs centrales syndicales autonomes qui disposent de capacités de mobilisation inégales : l'Union des syndicats du Tchad (UST) ; la Confédération libre des travailleurs du Tchad (CLTT) ; la Confédération syndicale du Tchad (CST). Le mouvement syndical tchadien est relativement faible.

Droits de l'homme

A l'instar de plusieurs autres pays d'Afrique francophone, le Tchad a connu une ouverture politique notable au début des années 90. Le système de parti unique a officiellement pris fin et une conférence nationale a été organisée dans le but de définir les conditions du passage à la démocratie et à l'Etat de droit. Des organisations indépendantes de défense des droits de l'homme ont été créées. C'est dans ce contexte éphémère que la Commission Nationale des Droits de l'Homme (CNDH) a vu le jour. L'idée, suivie plus tard du texte constitutif, a été lancée par des militants des droits de l'homme membres de la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH), une ONG créée en février 1991. En 1993, la Conférence Nationale qui réunissait acteurs publics et privés pour mettre au point le processus de démocratisation a officiellement proposé la création d'une commission des droits de l'homme.
Les conditions politiques et l'attitude de l'élite tchadienne au pouvoir n'ont toutefois pas favorisé cette transition. Idriss Deby, président depuis 1990, est le dernier d'une longue lignée de dirigeants (du Nord pour la plupart) arrivés au pouvoir par des moyens militaires et avec le soutien de puissances étrangères. Il a renversé Hissène Habré, dont les années au pouvoir avaient été marquées par des meurtres et des tortures systématiques, avec le soutien des Français qui maintiennent au Tchad leur plus gros contingent en Afrique et ont exercé une influence importante sur les gouvernements tchadiens successifs. Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Deby a réprimé une insurrection militaire dans le Sud, causant des pertes massives parmi la population civile, et il continue à être confronté à une insurrection de moindre ampleur dans le Nord. Ses forces de sécurité continuent à commettre de graves violations des droits de l'homme.
Le Tchad a organisé des élections présidentielles en 1996 et parlementaires en 1997, suite auxquelles les membres du parti au pouvoir ont remporté soixante-cinq sièges sur 125 mais de nombreuses manipulations et fraudes ont été dénoncées lors de ces deux élections. Une coalition entre les deux plus grands groupes politiques a ensuite annihilé l'opposition parlementaire, réduite à deux députés. Le plus bruyant des deux, Yarongar Ngarlejy, a passé une bonne partie de l'année 1999 en prison sous l'inculpation de diffamation en raison de ses déclarations sur le favoritisme ethnique et la corruption qui touche un grand projet pétrolier qui pourrait doubler les revenus annuels du gouvernement. Son arrestation s'inscrit dans ce que le représentant de la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU a qualifié de `monolithisme' croissant du débat public. Malgré son rôle fondamental pour l'ensemble de la société tchadienne, la CNDH souffre malheureusement encore d'un manque aigu de moyens et de publicité. Une bonne partie de la population n'est pas au courant de son existence et elle n'est pas du tout présente dans les provinces. Son centre de documentation ne contient que quelques rares publications et n'est presque pas fréquenté. Depuis le début de 1998, la CNDH n'a publié que trois avis concernant principalement la formation et l'éducation mais qui, malheureusement, ne soulevaient aucune question importante relative aux événements qui ont secoué le pays. De plus, les organisations des droits de l'homme et une partie de la presse accusent souvent la CNDH de pencher en faveur des autorités, ce qui ne contribue pas à améliorer son image auprès de la population.
On trouve également une Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme, ainsi qu’une Ligue tchadienne des droits de l’homme. Cependant, les libertés fondamentales énoncées par la Constitution du 14 avril 1996 connaissent de nombreuses entorses dans ce pays à l’instabilité chronique, où la guerre civile est allée de pair avec la violence politique et la diffusion des armes individuelles. Amnesty International tout comme l’Union européenne ont souvent dénoncé les violations des droits de l’homme reconnus dans la Constitution. Ces violations se sont opéré à travers des mesures individuelles, à l’image des arrestations et des violences dont se plaignent régulièrement les leaders de l’opposition (Saleh Kebzabo avant sa cooptation, Ngarlejy Yorongar, opposant et dirigeant d’un journal...). Elles ont également trait à des exécutions sommaires et aux répercussions de la guerre entre l’armée et les rebelles sur les populations civiles dans le Tibesti, dans le lit du lac Tchad et dans le sud du pays.
En janvier 2000, une information judiciaire soutenue par plusieurs organisations de défense des droits de l'homme, a été ouverte contre l'ancien Président tchadien Hissein Habré, résidant à Dakar à l’époque, pour "actes de torture et génocide ?. Saisie par ces organisations qui s’étaient constitué partie civile, la justice sénégalaise s’est déclarée incompétente pour connaître de la question, les faits invoqués s’étant déroulés dans un pays tiers. Hissein Habré a finalement quitté le Sénégal sous la pression des autorités publiques.
Sources : Human Rights Watch

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